Madame Bertrand et Monsieur Leonard

4 Avril 2015

Allo ?
Madame Bertrand ?
Oui c’est bien moi.
Bonjour. Je suis Monsieur Léonard, le directeur de l’agence qui tient votre compte bancaire.
Bonjour Monsieur Léonard.
Je vous appelle aujourd’hui car la situation de votre compte est alarmante. Avez-vous pris des mesures ?
Mais, je ne sais pas de quoi vous parlez.
Vous n’avez pas reçu nos lettres et nos messages ?
J’avoue que je n’ai pas ouvert les lettres ni écouté les messages.
Mais enfin pourquoi ?
Vous connaissez beaucoup de gens qui ont envie d’ouvrir les lettres recommandées de leur banquier ?
Oui, des gens responsables, Madame.
Et bien je ne dois pas être responsable alors. Et que disaient ces lettres ?
Que vous avez un découvert de 4522 euros depuis maintenant 90 jours alors que votre découvert autorisé est de 500 euros et ne doit pas dépasser 15 jours. Il faut immédiatement prendre des mesures.
Je suis parfaitement d’accord avec vous. Que comptez-vous faire ?
C’est à moi de vous poser la question Madame Bertrand.
Ecoutez, je ne me sens pas vraiment responsable. Vous l’avez bien dit, j’ai un découvert autorisé de 500 euros et vous m’avez laissé le creuser jusqu’à 4522 euros. Ce n’est donc pas mon problème, c’est le vôtre. Il ne fallait pas me laisser continuer à faire des achats. Pourquoi n’avez-vous pas bloqué ma carte ? Il va falloir expliquer cela à vos supérieurs. Moi, cela m’est égal. Ce n’est pas moi qui gagne ma vie sur l’argent des autres.
Alors ça c’est le bouquet ! Nous n’avons pas bloqué votre carte parce que nous vous considérions comme une cliente digne de confiance.
Et bien vous avez eu tort.
J’ai l’impression que vous ne mesurez pas la gravité de la situation. Cela peut aller loin, nous pourrions saisir votre salaire.
Je n’ai plus de salaire, j’ai démissionné.
Et bien nous allons saisir vos biens.
Je ne possède rien. Je vis chez ma mère.
Mais qu’avez-vous acheté avec 4522 euros ?
Des petites culottes.
Des…. Des … quoi ?
Ne vous étranglez pas, vous avez bien entendu, des petites culottes.
Vous délirez !
Pas du tout. J’adore les petites culottes. Surtout celles de la marque « Intime conviction ». Vous connaissez ? C’est un petit créateur, une vraie valeur montante…
La marque Intime Conviction ? Vous ne seriez tout de même pas…. Ce n’est pas possible. C’est vous qui m’envoyez une petite culotte tous les jours par la poste ?
Quelqu’un vous envoie tous les jours des petites culottes par la poste ? Et bien, c’est votre femme qui doit être contente !
Vous êtes complètement folle.
Ah vous croyez ? Je dois dire que cela m’arrange que vous croyiez que je sois folle. J’ai lu quelque part que certaines formes de démence sont considérées comme des raisons valables pour annuler une dette.
Vous ne vous en sortirez pas comme ça. Je vais prévenir la police.
La police pour une affaire de découvert ?
Non, pour harcèlement.
Vous savez cette histoire de petites culottes m’en rappelle une autre. Et ce n’est pas l’homme qui recevait les culottes mais sa femme, puis ses amis et même ses collègues avec des petits mots sans équivoque….
Vous me menacez ?
Mais enfin pas du tout, je ne fais que vous raconter une histoire. L'homme en question n'a jamais pu prouver qu'il n'avait rien à voir avec cette femme. Question fidélité, il avait un passé un peu chargé, si vous voyez ce que je veux dire. Sa femme était à bout. Le pauvre homme n’avait aucun intérêt à ce qu'elle le quitte. Voyez-vous elle était riche et il n’avait vraiment pas envie de perdre son train de vie.
Qu’est-ce que vous me voulez ?
Mais rien du tout. D’ailleurs c’est vous qui m’avez appelé.
Allez-vous enfin me dire ce que vous voulez.
Vous savez, j’ai beaucoup attendu de la vie et j’ai été si souvent déçue. Alors si j’avais une baguette magique…. Je commencerais, bien sûr, par faire disparaître mon découvert puis je ferais apparaître une grosse somme, un bon placement qui me mettrait à l’abri mais bien sûr ce n’est qu’un rêve.
Et vous arrêteriez d’acheter des petites culottes ?
Si j’avais cette baguette magique, je me trouverais sûrement une autre manie.
Alors nous avons un accord ?
Je ne vois toujours pas de quoi vous parlez Monsieur Léonard.
Au revoir Madame Bertrand.
Au revoir Monsieur Léonard.